Tous les jeux de rôle ont une section réservée au combat dans leur livre de base : est-ce que c’est pour ça que les PJ sont excessivement violents dans les scénarios ?
Mon PNJ est un futur cadavre
Lors d’un de mes tout premiers scénario publié que j’avais préparé pour mes amis, je leur avais concocté un vrai méchant haïssable, Kusten de Caronis (anagramme de « C’est Un Drakonien », clin d’œil de MJ). J’avais prévu, comme dans les films, une scène dans laquelle il expliquait son plan et se gaussait devant les PJ avant de fuir. Mon idée était de le rendre détestable pour que le combat final de la partie soit plus prenant. Mais les PJ sont tombés dessus à bras raccourcis et j’ai dû utiliser le subterfuge de la fuite par les toits pour le sauver.
La violence dans les jeux de rôle est comme un kraken voguant entre deux eaux. Nous le craignons et usons de croyances et de rituels magiques pour nous en prévenir. (Oh Saint Gygax, protégez mon scénar maintenant et jusqu’au combat final !).
Les joueurs et joueuses sont-ils des psychopathes en puissance qui lâchent la bride à leurs pulsions dès qu’un dé fait du bruit sur table ?
Tous ceux qui sont hors du groupe sont contre « nous »
Et si c’était une réaction des joueurs face à un stress ou une situation inconnue ?
Mettons-nous à la place d’un joueur (c’est plus compliqué qu’un PJ mais l’historique est plus fouillé, c’est plus classe à jouer).
Vous êtes assis à la table de jeu, en train d’écouter votre MJ :
Vous êtes dans la clairière, dite du rocher aux démons. C’est un lieu que les paysans du coin savent maudit. Les arbres sont décharnés comme mangé par quelque chose de gros et au loin vous entendez un hurlement de loup sinistre et inhabituel pour un milieu de journée.
Comme toute rôliste normalement constitué, vous savez que quelque chose d’anormal va se produire (en plus, c’est le début de la partie, il faut bien un événement déclencheur). Donc vous êtes en alerte, prêt à répondre à ce qui va arriver. Vous êtes un peu stressés et un peu excité car l’aventure commence.
Et là, un immense éclat de lumière vous aveugle et lorsque vous recouvrez la vue, vous voyez des tas de chair sortir du sol. Des formes amorphes, gluantes et dégoûtantes. Et au sommet, du Rocher, un humain, et apparu aussi, l’air décontenancé. Que faites-vous ?
Faisons le point :
- Vu le nom du lieu-dit, ce n’est pas des bisounours et encore moins des âmes égarées qui ont besoin d’un gros câlin. Soyons sur nos gardes.
- Les tas de chairs gluantes sont nombreux donc ce sont des sbires.
- Le mec il est apparu en même temps : il est sans doute alliés avec les tas de chairs gluants. Il doit être même plus, c’est leur chef. Et bien… Celui qui frappe le premier a un coup d’avance.
Bref la super intro pour introduire un PNJ et le rendre attachant afin d’en faire un traître est tombée à l’eau. Les tas de chair devaient attaquer aussi le PNJ pour dissiper les inquiétudes des PJ mais ils ont manqué de temps.
En somme, la scénario est foutu et trouver un traitre à la volée est difficile. Heureusement mes cours de psychologie durant mes études m’ont sauvé de cette situation plus tard.
La réponse combat-fuite
Dans la psychologie, il existe le concept de réponse au stress : le combat ou la fuite. Ce concept fut décrit par le physiologiste Walter Bradford.
Comment réagit-on devant une situation inconnue ou stressante ? Habituellement, trois types de réaction peuvent être rencontrés :
- Fuite
- Agressivité
- Faire le mort.
Ce genre de réaction est instinctive et est déclenchée au quart de tour sans que l’individu ait le tend de réfléchir (cette réaction a permis à bien des gens de survivre). Cependant, dans une partie, ce type de réponse peut être inadaptée et gâcher votre super scène d’intro du PNJ.
Diminuer le stress de vos joueurs.
La solution pour éviter la violence des joueurs est donc de diminuer le stress de la situation présentée pour qu’ils puissent continuer à réfléchir et trouver des idées brillantes de rebondissement.
Si je reprends l’exemple précédent du paladin :
Vous êtes dans la clairière, dite du rocher aux démons. C’est un lieu que les paysans du coin savent maudit. Les arbres sont décharnés comme mangé par quelque chose de gros et au loin vous entendez un hurlement de loup sinistre et inhabituel pour un milieu de journée. Que faites-vous ?
[En pensées : bizarre, ce loup, je dois m’en méfier, qu’est-ce que ça veut dire ? ] Le hurlement de loup se rapproche ?
Non, il est lointain. C’est surtout l’heure inhabituelle qui t’a fait le remarquer.
[Bon alors ce n’est que de l’ambiance. Trouvons ce qui se trame ici] OK. Alors je regarde un peu aux alentours avant de partir : il semble qu’il n’y ait rien de particulier ici ?
Au moment de partir, des flashs lumineux surgissent depuis le rocher aux démons. Leur origine provient de son sommet. Au bout de quelques secondes, tu vois apparaître une silhouette humaine à quelques centimètres du rocher. Comme par magie. Puis elle tombe sur le rocher et le dévale jusqu’à des pieds : la personne est inconsciente.
[Et bien voilà ! Ça y est ça commence : une âme à secourir… un peut-être un traître qui sait ce à quoi le MJ nous prépare.] Je m’approche pour voir si elle est vivante.
Alors que tu t’approches, d’autres flashs lumineux éblouissent toute la clairière et entre toi et les arbres décharnés. Tu vois apparaître des tas de chair informes qui fixent la personne inconsciente avec avidité. De plus les hurlements du loup se sont rapprochés même s’ils sont suffisamment loin pour signifier sa présence dans les abords de la clairière. Que fais-tu ?
L’introduction est plus longue certes et la montée en tension est progressive avec à chaque fois la possibilité donnée au PJ d’absorber une partie des informations et de contrôler son niveau de tension.
De cette manière, en donnant les informations progressivement, et en autorisant la fuite (ou pas) du héros, celui peut rester (et se comporter comme un héros). Un nombre important d’informations signalant un danger provoque une réaction combat-fuite alors que le même nombre instiller progressivement évite cette réaction désagréable.
Structurer la mise en scène de la situation
Lorsque vous prévoyez une scène tendue, je vous conseille de lister tous les éléments stressants que vous allez utiliser et de les classer dans l’ordre croissant (subjectif, certes) de potentiel stress.
- Nom du lieu,
- Hurlement de loup,
- Flashs lumineux,
- Apparition brutale,
- Tas de chair immonde.
Lors de votre scène, il ne vous restera plus qu’à les introduire un à un en laissant à chaque fois vos joueurs réagir (ou non) à ces stimuli.
Avec cette astuce, au bout de quelques mises en pratique, vous pourrez à nouveau assister à l’ingéniosité des PJ face à une adversité croissante sans qu’ils se transforment en bain de sang.
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