Le souvenir le plus cuisant concernant les jets de dés que je regrette est celui d’un jet d’acrobatie pour éviter la police qui arrivait. Ce genre de jet de jet qui arrive sans prévenir et qui modifie le cours de l’aventure dans une direction que personne apprécie.
C’était lors d’une rencontre impromptue (lire une rencontre aléatoire) pour donner un cachet à l’univers. Une simple altercation entre des filous et les PJ. J’ai oublié si cette scène dura longtemps mais ce dont je me souviens, c’est que pour fuir les lieux les PJ montèrent sur les toits et filèrent à la hussarde et alors que je pensais que la scène allait se terminer, j’ai demandé un jet d’acrobatie pour « savoir si tout le monde réussissait à passer sur l’autre toit ». Murphy s’est assis à côté de moi et a touché les dés des joueurs.
Que faire dans ce moment-là ? Ramer pour récupérer le problème.
Dans le doute, fait un jet de dé
J’ai très souvent suivi cette maxime. Cependant, je pense qu’il est préférable de l’oublier car cette frénésie du lancer de dés peut venir de deux attitudes : l’indécision et la précipitation à vouloir relancer la partie et le refus d’endosser la responsabilité d’un choix narratif.
Voyons un peu dans le menu, combien ces présupposés peuvent nous pourrir la vie.
C’est pas moi, c’est les dés
J’ai souvent fait lancer un dé avec le secret espoir d’un échec pour pouvoir dire par la suite : « c’est pas moi, c’est les dés ». Cependant je pense que le MJ se doit d’assumer des choix narratifs : le MJ est l’arbitre, le conteur, l’animateur de la partie ; il insuffle la dynamique et le rythme de l’histoire en laissant des temps morts pour que les PJ soufflent ou en relançant l’histoire avec des ninjas. Il peut refuser des propositions des joueurs et joueuses parce qu’il estime que c’est nécessaire pour l’histoire et son rythme : il est important de savoir dire que les héros échouent (quand bien même, nous en sommes fans). C’est dur et les erreurs ne sont pas loin. Plusieurs fois, j’ai regretté d’avoir été borné (et ma décision a brisé l’ambiance de la partie) et d’autres fois, j’ai regretté d’avoir reculé. C’est vraiment un dilemme de MJ.
L’indécision et la précipitation
Dans le feu de l’action, les PJ peuvent avoir tendance à faire des actions inattendues et alors, nous avons tendance à nous raccrocher à quelque chose de connu : le jet de dés.
Par exemple : en fin de combat, dans une ruelle, les PJ ont voulu grimper sur le toit puis fuir en sautant de toit en toits pour éviter une rencontre avec la milice alors qu’ils avaient largement le temps de fuir par l’autre bout de la ruelle. Et bien, spontanément, j’ai demandé un jet d’acrobatie. Et Murphy a mis son grain de sel là-dedans et certains ont raté leur jet (il n’y a pas eu de critique heureusement). Cela a rallongé la scène inutilement. Nous avons perdu un quart d’heure de jeu et de fun.
Pourquoi n’ai-je pas tout simplement autorisé cet exploit ? Parce que c’était si inattendu des PJ que j’ai cherché à me raccrocher à ce que je connaissais sans mesurer les risques de ralentissement que je prenais.
Le MJ aussi peut prendre le temps de réfléchir
J’ai souvent la vision des MJ qui réagissent au quart de tour lorsque les joueurs inventent des solutions incongrues… comme si cela était prévu. Cette précipitation m’a mené à bien des problèmes. Et puis j’ai eu cette réflexion : souvent les joueurs et les joueuses prennent le temps de réfléchir et cela ne me gêne pas et ne ralentit pas le rythme de l’histoire. Pourquoi mon temps de réflexion serait problématique ?
Dès lors, ma réaction face à une situation inattendue se fait en deux étapes :
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Avant de demander un jet de dé, je me demande : « est-ce que je suis prêt à prendre du temps pour jouer ce jet (et son possible échec) ? »
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Puis donner les enjeux du lancer de dés (comme l’indiquent les lapins marteaux dans leur ouvrage). Donner les conséquences du jet avant de faire lancer. Cela peut aussi donner toute l’attitude aux joueurs de refuser de lancer les dés et donc d’accepter une fin différentes.
Cela mettra peut-être en pause le déroulement de l’histoire mais pourra éviter les malentendus et les erreurs.
À présent, imaginez-vous dans un combat de taverne, alors qu’un protagoniste s’enfuit devant la situation perdue pour lui :
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Les joueurs inventent une solution farfelue à vos yeux, du genre : « Je me jette dans les bras de mon adversaire. Je cherche à ce qu’il me rattrape et se trouve incapable de bouger puisque je deviens un poids à déplacer avec lui » (c’est loufoque mais j’ai eu cette idée).
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Acceptez d’être décontenancé et dites-le : « euh, oui… OK. Le type est à peu près dans le même état que moi. »
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Après quelques instants, continuez : « Si tu fais ça, vu la nature du combat, tu risques de le rater et te tomber par terre. Tu seras à la merci du type. C’est bon pour toi ? »
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