Le combat est un moment important dans bien des aventures de Donjons et Dragons. Cependant, la mécanique du jeu prend souvent le pas sur la description des actions et des blessures : « Tu perds 4 PV et ton adversaire en perds 6. » Voilà à quoi se résume souvent les descriptions de combats. Pourtant, il y a la possibilité d’une infinité de description.
Tu m’a appris à oublier la douleur
De façon réductrice, les points de vie (PV) sont vue comme de la santé physique. Cependant les PV sont loin de simuler la réalité. C’est surtout une manière de créer narrativement des héros qui peuvent affronter beaucoup de péripéties avant de succomber.
Prenons une situation typique de Donjons et Dragons : l’embuscade de gobelins. Je cite une belle description de combat tiré du forum :
Du haut des deux talus, quatre gobelins émergèrent des buissons et se mirent à crier, enivrés par leur effet de surprise. Deux d'entre-eux, dévalèrent leur talus pour se lancer à l'assaut d'Orakh alors que deux autres tirèrent une flèche, l'un à Adela, l'autre à Ephesion.
Les deux gobelins qui se jetèrent sur Orakh le prirent complètement par surprise, l'un le lacérant au bras et l'autre lui enfonçant sa lame directement dans le flanc. Le demi-orque poussa un cri de rage, prêt à répondre.
Ephesion eut plus de chance et la flèche qui lui était destinée se planta dans le sol, tout près de son pied gauche. Par contre, Adela reçut une flèche directement à la cuisse. Elle lacéra sa peau, mais finit sa course au sol. La femme poussa un cri de douleur, manifestement peu habituée à l'âpreté de la vie d'aventure.
Est-il crédible que les PJ puissent encaisser des coups, boire une potion puis se retrouver comme neuf ? Je tiens vraiment à distinguer la réalité de la crédibilité. Pouvons-nous croire qu’avec une nuit de repos, nos héros récupèrent tous leurs PV alors qu’ils ont affronter une myriade de gobelins la veille ?
Comment mettre de la cohérence (plutôt que du réalisme) dans ces phases de jeu ?
Dura Lex, sed Lex
Peut-être que les PV représentent autre chose que la santé physique et que perdre des PV, c’est différents de se blesser.
Le SRD précise (l’emphase est de mon fait) :
Les points de vie représentent une combinaison de résistance physique et mentale, de volonté de vivre et de chance. Les créatures qui ont plus de points de vie sont plus difficiles à tuer. Celles avec moins de points de vie sont plus fragiles. Les points de vie actuels d’une créature (généralement appelés points de vie) peuvent être n’importe quel nombre situé entre le nombre de points de vie maximums d’une créature et 0. Ce nombre change fréquemment quand les créatures prennent des dégâts ou se font soigner.
Quand une créature prend des dégâts, ceux-ci sont soustraits de ses points de vies. La perte de points de vie n’a aucun effet sur les capacités d’une créature tant que ses points de vie restent supérieurs à 0.
Les PV représentent autant la combativité, de la chance, de la résistance mentale que la santé physique. Mais nous gardons en tête uniquement le dernier aspect. Perdre des PV peut tout aussi bien dire perdre de la santé mentale, de la volonté de vivre ou manquer de chance. Et cela même si les armes ont des types de dégâts (le SRD mentionne que : Les types de dégâts n’ont pas de règles propres, mais d’autres règles comme la résistance sont basées sur ces types — pour mémoire la liste des types de dégâts est Acide, Contondant, Feu, Force, Foudre, Froid, Nécrotique, Perforant, Poison, Psychique, Radiant, Tonnerre, Tranchant).
Rien n’empêche de décrire les petites pertes de PV par des descriptions de perte de chance, de doute ou de désespoir. Un coup d’épée, un missile magique provoquant peu de dégats peuvent bien faire douter les Héros sans les avoir particulièrement blessés. Alors plutôt que d’infliger des coups et autres blessures à nos Héros, on peut les faire douter, les blesser mentalement
Les PJ peuvent-ils douter de leur force ? Perdent-ils leurs volonté de combattre leur opposant ? Sentent-ils que la chance est en train de douter. Finalement le combat peut être plus un combat mental (malgré les coups portés) : dans beaucoup de sport à haut niveau ou dans les guerres pré-modernes, le moral était un détail décisif pour remporter la victoire. Le coup porté est là pour entamer la résolution de l’adversaire plutôt que pour l’éliminer. Avec cet angle de vue, la prise d’une potion de soin peut du coup être jusque psychologique : la potion du marchand est magique, elle va donc me donner le courage, la chance de gagner le combat (on parlerai de nos jours d’un effet placebo). Elle peut tout aussi bien être un excitant (caféine ou autre substance psychoactive : vous voyez poindre un scénario d’enquête sur comment les potions de soins sont élaborées ?).
Il y a la possibilité de décrire des phénomènes sensitifs désagréables qui sont incapacitants durant le combat mais disparaissent très vite pour être sans effet à long terme (vous savez la décharge électrique quand on se cogne le coude et qui disparaît au bout d’une minute ?)
Avec cette vision, les gros dégats infligés peuvent devenir des blessures et les adversaires faisant de tels dégats deviennent redoutables. Et le plaisir de décrire des blessures dans le détails est satisfait.
Initiative !
Pour utiliser une telle technique, prenez le soin de prévenir vos joueurs : vous voulez tester d’autres description des blessures et que ces descriptions donneront du sel au combat sans altérer les règles de santé.
Ensuite faites vous un pense-bête avec différentes tables pour :
- Des doutes :
- Sidération, immobilité
- Agitation inefficace (crie, cours dans tous les sens),
- Pleurs
- Agressivité
- Du désespoir :
- un découragement, un abattement, un accablement ;
- une perte de confiance en soi et en les autres ;
- un sentiment d’impuissance ;
- une confrontation à ses limites ;
- une souffrance psychologique, une tristesse, une détresse ou une colère.
- De la malchance : vous savez ce coup de frayeur qui arrive et qui fait que le cœur fait plus fort d’un coup.
- Des dommages graves : vous pouvez aussi utiliser des descriptions pour les dégâts plus importants.
Que le spectacle commence
En utilisant ces descriptions, le combat précédent devient :
Du haut des deux talus, quatre gobelins émergèrent des buissons et se mirent à crier, enivrés par leur effet de surprise. Deux d'entre-eux, dévalèrent leur talus pour se lancer à l'assaut d'Orakh alors que deux autres tirèrent une flèche, l'un à Adela, l'autre à Ephesion.
Les deux gobelins qui se jetèrent sur Orakh le prirent complètement par surprise, qui sidéré un instant s’engagea dans le combat grâce à son instinct du survie . Le demi-orque poussa un cri de rage, prêt à répondre.
Ephesion eut plus de chance et la flèche qui lui était destinée se planta dans le sol, tout près de son pied gauche. Par contre, Adèla reçut une flèche directement à la cuisse. Rien de grave mais le doute s’immisça en elle : comment avaient-ils pu se faire surprendre par ces gobelins. En avait-il d’autres en renfort ? La femme balaya ses inquiétudes, prête à s’engager dans la bataille.
La surprise était totale, tellement que les aventuriers ne furent pas en mesure d'offrir une réponse immédiate. Owen s'approcha, puis tira une flèche vers les buissons dans lequel se cachaient deux des gobelins. La soudaineté de l’assaut l’avait déstabilisé et sa flèches rata sa cible. S'approcher d'avantage avant de tirer aurait sans doute été une bonne idée, mais dans foulée des événements, personne ne lui en tiendrait rigueur.
Les règles sont respectées et cependant, la description rend un peu plus l’effet de surprise de l’embuscade. Mécaniquement, les dégâts encaissés sont les mêmes mais les héros connaissent le doute et le chaos du combat, ce qui rend plus cohérent l’affrontement et les héros plus « humains ».
Voici une manière d’enrichir les description des combats sans modifier de règles. Vous pouvez à présent construire vos propres tables de descriptions.
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